À lire sur ce sujet, Zéropolis,
l’essai de Bruce Bégout.
Philosophe adepte de la méthode de description « des
choses mêmes » (phénoménologue), il développe dans ses livres inspirés par son
expérience de terrain aux USA, divers aspects de la désorientation et de la
déréalisation de la vie urbaine moderne, celle des banlieues, des zones
d’affaires, des centres commerciaux, des parcs d’attraction, des échangeurs
routiers etc.
Las Vegas ou mieux, Los Angeles deviennent ainsi les modèles d’un
univers urbain inversé par rapport aux centres historiques des villes
européennes : il n’y a plus de centre fermé par une enceinte mais une Suburbia
(titre d’un autre de ses livres), en expansion infinie dans laquelle les
repères stables disparaissent et où le seul mode de déplacement possible est la
voiture. Ainsi, l’expérience de la mobilité, des enseignes commerciales, des
bâtiments temporaires et des rubans routiers contribuent à créer chez
l’explorateur de ces zones les éléments d’une nouvelle psyché tentée par le
néant.
Bruce Bégout écrit : « Las Vegas, la grande banlieue de
L.A., a su créer une urbanité nouvelle faite de la déconnection et de la
simulation ludique. Le Strip, cette avenue principale qui traverse la ville du
sud au nord, représente pour l’historien Alain Hess la « vision ultime des
avenues commerciales que l’on trouve aux abords de toutes les grandes villes
américaines ». In statu nascendi,
Las Vegas offre la possibilité d’étudier comment les villes post-industrielles
peuvent recycler à grande échelle les immenses espaces abandonnés à cause de la
révolution informatique et s’organiser autour de ces artères et dômes dévolus
essentiellement au commerce et aux loisirs de masse. Pour Edward W. Soja, l’hyper-réalité
est sortie des limites de Disneyland et, depuis vingt ans, sert de modèle
urbain et social aux villes. Cette invasion d’une urbanité factice et ludique a
créé une nouvelle sorte de ville : exopolis, la ville sans intériorité,
qui se tient dans ses surfaces. Soja note très justement que ce n’est pas la
simulation qui est gênante, mais ce qu’elle simule : univers enfantin du
jouet et du kitsch. On pourrait demander des comptes à ceux qui, à la suite de
Tom Wolfe dans les années 1960, s’extasièrent devant cette architecture électrographique et pop. Ils annonçaient des
changements de sensibilité, mais surtout de nouvelles potentialités d’être et d’agir. »
(in Suburbia, p. 291).
A l’évidence,
ces « nouvelles potentialités d’être et d’agir » ont fini par laisser
des traces durables – comme on l’a vu récemment chez un individu tout à fait dans
la « norme » qui poursuivait secrètement des rêves de postérité
sanglante –et cet individu était un « joueur ». Je relève dans un
article du Monde Diplomatique d’août
2012 qui m’avait déjà amené à reconsidérer mon expérience de touriste en 2006, « Las Vegas, stade
suprême des Etats-Unis », que cette ville présente un taux de suicide
parmi les plus élevés du pays ; mais, comme l’indique le médecin légiste
Michael Murphy : « les gens pensent que ce sont d’abord les touristes
et les joueurs qui se suicident. Or ce sont très majoritairement les habitants. »
Il ajoute un peu plus loin : « Le taux de suicide tient sans doute
aussi à cela, à l’isolement des individus, à l’absence de soutien de proches en
cas de coup dur, à la faiblesse des relations de voisinage. Une très grande
majorité des habitants n’ont personne sur qui compter en cas de difficulté. »
Entre paupérisation, absence d’équipements collectifs – tout dans la ville est
sacrifié au Strip incandescent, et dislocation de l’espace et du temps envahi
jour et nuit par le scintillement des machines de jeux et le bruit envahissant,
l’individu anomique, l’atome social idéal rêvé par les sociologues
positivistes, n’a au bord de l’épuisement que le choix entre le suicide ou le
meurtre de masse.
John Brunner imaginait pour le début du XXIème siècle dans Tous
à Zanzibar, roman d’anticipation écrit en 1967 et que j’ai déjà eu l’occasion
de signaler plus d’une fois sur ces pages, un quotidien fait "d’amochages" aléatoires dans les villes, sur le modèle de la « folie furieuse » ou
amok, transe meurtrière et suicidaire devenu épidémie sociale où des individus de
plus en plus nombreux, « pètent les plombs » comme on dit
vulgairement. Mais non sans une certaine sagesse populaire, car l’expression
renvoie à l’univers électrographique
décrit par Bruce Bégout et qui est la première chose qui frappe le voyageur dès
son arrivée à Las Vegas. Notre expérience de la conscience dans la surréalité
de Las Vegas, stade suprême du libéralisme, est celle d’une suspension à un fil
électrique mis à nu, entre l’être factice des hôtels-casinos géants et le néant
des enseignes au néon.
Timothy Morton et une nouvelle définition de
l’humanité. La fin de l’anthropocentrisme
Quoted from the interview of Timothy Morton you can find in the
website of Verso
Books, London-based independent publisher focused on radical left and ecological
thinking: “Anthropocentrism is a bug, it’s not a feature”. In his book called
simply Humankind, the author defines
what he calls “the symbiotic real”, being the solidarity between all living
organisms at a planetary scale. Just think about the “host-parasite” paradigm
between you and the bacterial microbiome inhabiting your intestine or about the
retrovirus ERV-3 DNA code embedded into mammalian’s genome explaining why “you
are reading this because a virus in your mother’s DNA prevented her body from
spontaneously aborting you’”. Just think to all these interrelations,
connections, dependencies and try to define what is your “self”, your identity.
The author goes onto a journey to redefine an “object-oriented ontology”. How
does that translate into Hegel’ Science
of Logic?
Nietzsche et la profession du philosophe
Conférence PHI de Patrick
Wotling (dans la belle bibliothèque du CIERL
- Centre Interdisciplinaire d’Etude des Religions et de la Laïcité de l’ULB) sur
Nietzsche, auteur de Nietzsche
et le problème de la civilisation aux PUF; ci-après, mes notes :
1. Œuvre ou corpus très
structuré en dépit des apparences
2. Nietzsche rejette le principe de la réfutation : est-il encore un philosophe ?
3. Rapport du philosophe
à la Vérité - qui n’est pas neutre ou désintéressé mais de vénération / monde
idéal
4. Conflit entre
l’exigence de la philosophie et la manière dont elle est pratiquée : trahison
initiale de Platon qui met d’emblée la philosophie sur un mauvais pas.
Nietzsche reproche aux philosophes leur manque d’honnêteté
5. Nécessite radicale
d’une révision de la pratique philosophique afin de dépasser les
« interprétations » (jugement de valeurs)
6. Par conséquent la
pratique radicale de la pensée devrait suspendre toute l’approche philosophique
traditionnelle
7. « Tout serait-il
faux ? »
8. Expertiser les
problématiques afin de questionner avec radicalité
9. « Qu’ai-je le
droit de faire comme philosophe ? » se demande Nietzsche
10. « Comprendre la
Culture »
11. Naissance de la tragédie, paragraphe 15 - c’est quoi alors le
Problème de la culture (ou de la civilisation) qui devrait remplacer la
Question de la Vérité dans la pensée philosophique ?
12. Doubles définitions
de la morale, de la religion etc. 1. Les morales sont le produit des pulsions,
des régulations d’actions, des résultats, des interprétations. 2. Les morales
sont des sources de transformation des hommes, i.e. des causes, des instruments
de culture. Donc à la fois : des systèmes de valeurs et des instruments de
domination, et pour Nietzsche, les deux à la fois
13. Cause et
conséquence, symptôme et remède : ce sont les deux éléments régulateurs de la
culture. Il faut sortir de la logique causale ou unidirectionnelle. Le schéma
causal laisse échapper la valeur propre du réel.
14. Le philosophe est un
médecin capable de mener une généalogie, de remonter aux sources axiologiques
des valeurs et de les comparer avec l’état des vivants.
15. En comprenant ses
causes véritables, le philosophe peut intervenir et changer les types d’hommes
: c’est « l’élevage » qui suit la généalogie.
16. Le philosophe est
celui qui contraint le jeu du hasard : c’est cela le problème de la culture.
17. Quelles sont donc
ces techniques d’influence des pulsions, de fabrication d’un « cheptel
humain » ?